Les intelligences artificielles des robots conversationnels sont de superbes alliés pour la créativité. Plus je les utilise et plus je leur trouve des qualités… malgré leurs nombreux défauts.
Dans notre travail, une des tâches les plus difficiles est de produire des idées nouvelles à partir d’un sujet usé à la corde.
L’épargne, les assurances, les journées thématiques (de Noël à Pâques en passant par la fête des Mères, des Pères ou du Travail), les destinations touristiques populaires… Même chose pour un client dont l’offre demeure la même : il faut rénover le discours afin de conserver l’attention de l’auditoire.
On nous demande donc souvent de fabriquer du neuf avec du vieux.
C’est, en toute modestie, un talent que je possède. Dix années à la tête d’un hebdo culturel qui collectionnait les cahiers « spéciaux » m’ont transformé en machine à réinventer la roue. Donnez-moi le sujet le plus resucé du monde, et je lui trouverai un angle nouveau.
C’est aussi une compétence qui s’alimente : en parcourant trois ou quatre quotidiens chaque jour, des magazines, des sites spécialisés… Je sais où loge la nouveauté, la tendance, ce qui fait parler. Cela me permet de désigner l’angle au goût du jour pour promouvoir efficacement et de manière captivante un sujet qui ferait autrement bayer aux corneilles.
L’IA comme collègue virtuel
Le contexte de travail a toutefois changé depuis mes années de journalisme, et nous passons désormais plus de temps chacun dans notre espace, pour paraphraser Vincent Vallières. Moins de présentiel. Moins de meetings de création.
C’est la réalité de la plupart des entreprises.
Cela réduit les possibilités de faire rebondir les idées entre nous, de lancer des pistes de réflexion ensuite attrapées au vol par des collègues qui en font autre chose. Nous sommes aussi parfois bloqués au moment de mettre en mouvement la nouvelle étape d’un projet.
Récemment, par exemple, je devais rédiger un questionnaire qui servira à des entrevues pour la production d’une vidéo et d’un article. J’étais un peu dans le cirage. Ça nous arrive toutes et tous. J’ai donc employé ChatGPT pour «brainstormer».
Depuis qu’elle est disponible, j’utilise l’IA conversationnelle pour ça : donner un électrochoc à la conversation que j’entretiens avec mon imaginaire, ce qui permet aux solutions d’émerger plus rapidement.
C’est loin d’être parfait. Mais pour la «tempête» d’idées et la recherche de pistes, c’est vraiment pas mal et souvent moins éparpillé qu’avec des collègues. Il m’arrive quand même la plupart du temps de devoir raffiner ma requête à plusieurs reprises, parce que les réponses sont à côté de la plaque. (Cela souligne l’importance de savoir se faire comprendre par écrit, y compris d’une IA, si on veut récolter le résultat souhaité.) Mais chaque fois ou presque, j’obtiens de quoi me lancer.
L’IA ne me donne jamais une solution toute faite. Elle en est incapable et sa fiabilité factuelle est aussi trouée qu’un gruyère. Mais c’est un bon compagnon de route pour les passages à vide.
Un allié pour mieux créer
Je connais des gens qui détestent écrire des courriels et se servent de l’IA pour le faire. Elle offre des modèles qui, sans être très originaux, sont efficaces. Pour les communications de base, c’est un outil très utile. Ce l’est aussi pour produire de petites explorations sur divers sujets, mais il faut ensuite contrevérifier toute l’information, puisqu’on ignore sa provenance.
Mieux vaut alors se rabattre sur les moteurs de recherche.
Ces derniers procurent aussi le bonheur de la flânerie numérique et nous permettent de connaître des «accidents» au cours de notre quête. Comme de tomber sur des résultats inattendus qui mènent à des pistes totalement nouvelles.
Pour avoir le même résultat avec l’IA, il faut entretenir la «discussion» avec le robot. Parce que c’est ce qu’il fait : converser.
Les répliques initiales qu’il livre sont parfois frustrantes, comme le seraient celles d’un·e stagiaire un peu gêné·e de déballer ses idées les plus délurées. Mais au fil de l’échange, on finit par obtenir de plus en plus d’info utile.
On est loin de remplacer la vivacité des discussions humaines. Ces dernières sont riches de leur subjectivité, du vécu des interlocuteurs et d’une capacité de tisser des liens entre les idées et les concepts que ne possèdent pas (encore) les IA, dont les réponses sont souvent limitées, répétitives.
Je n’ai donc pas peur que ces outils «volent nos jobs». Les robots des IA sont des assistants utiles, fascinants, qui nous permettent de trouver des filons et de faire le tri dans nos idées. Si on ne les craint pas et qu’on en mesure les limites, on saisit rapidement leur potentiel en tant que soutien virtuel à la création.
Les IA n’inventent pas. Elles sont souvent à côté de la cible. Elles ne constituent pas une fin, mais sont un remarquable et efficace outil que n’importe quel «créatif·ve» devrait apprendre à maîtriser.